A propos de l’exposition Aurély, Betzy et les autres
Ann-Marie VALENCIA est un peintre hors du temps et des modes. Les œuvres présentées au musée de Villèle remémorent toutefois le drame d’un passé enfoui où la Femme et la Nature régnaient en harmonie.
Mémoire de femmes … Femmes qui ont dirigé la propriété : Ombline Desbassayns (1755 – 1846), avec fermeté : Céline de Villèle (1820 – 1896), avec soumission : Lucile (1901 – 1976) et Pauline (1902 – 1990) de Villèle avec abnégation.
Mémoire aussi de femmes sans visage, encore présentes sur le papier jauni des documents d’archives à travers une classification sommaire: un patronyme plus ou moins fantaisiste attribué par l’arbitraire d’une société dominante; une fonction sans grande originalité, mais suffisamment évocatrice pour rappeler l’air du temps de la servitude; une vague appartenance ethnique aux racines qui de perdent toutefois dans le flou d’une localisation imprécise voire inconnue; enfin, une valeur marchande, sordide indice de richesse, qui, avec le recul du temps, nous paraît aussi dérisoire qu’indécent.
Mémoire d’un passé récent qui cependant patine le souvenir Mémoire d’un paysage domestiqué sans cesse transformé qui mêle au fil du temps, coton, café, épices et canne à sucre…
Ann-Marie Valencia recrée un monde peuplé de femmes, belles, si belles dans l’exercice de leurs travaux ingrats et de leurs tâches quotidiennes harassantes. Ses œuvres nous offrent la douceur d’un style d’une grande maturité. L’intelligence de son regard nous restitue la beauté contrastée de visages marqués par la dureté d’un labeur répété. Même si ces touches légères, aussi légères que des pétales de roses, viennent caresser avec délicatesse le support entoilé subtilement recouvert d’un papier de soir finement froissé, l’artiste ne fait aucune concession avec les effets faciles qui séduisent pour séduire. Derrière l’œuvre il y a l’engagement artistique d’un peintre d’une grande authenticité et le regard tendre et plein de respect d’une femme pour la Femme. C’est aussi avec les couleurs du sentiment qu’Ann-Marie Valencia restitue à sa manière les fragments exhumés et magnifiés d’une histoire douloureuse qui ne livre pas tous ses secrets.
Jean Barbier, Conservateur du Musée de Villèle
Ann Marie Valencia s’est éteinte dans la nuit du 15 au 16 mai 2012 à son domicile de Notre-Dame-de-Riez, en Vendée où elle s’était installée depuis 2006.
Mémoire d’une exposition : Tableaux
Films de Jean-Paul Dupuis : Aurély, Betzy et les autres (2000) D'un regard à l'autre, instants partagés (2012)