Joris Ivens - le pont et la pluie

« Joris Ivens – De Brug (Le Pont 1928) » et « Joris Ivens – Regen (La pluie 1929) » recueillent tant aux Pays-Bas qu’à Paris d’excellentes critiques (notamment celle de la cinéaste Germaine Dulac) et font de leur auteur un cinéaste reconnu de l ‘Avant- Garde Européenne.
Commence alors pour Joris Ivens une période d’intense activité marquée par des films de commande tels  » Nous bâtissons, Zuiderzee « , où déjà s’affirme avec force la volonté d’Ivens de montrer le travail des hommes, leurs relations avec la machine, leurs combats contre les forces de la Nature, leur désir de solidarité, sans jamais oublier « qu’un film est une œuvre d’art ».

Invité en 1930 par Poudovkine à venir présenter ses films en URSS, Joris Ivens effectue un voyage qui le conduit de Moscou à Erivan en passant par Kiev, Leningrad, Odessa. Cette tournée de plusieurs mois à travers les républiques socialistes, ses échanges avec le public Soviétique, son amitié avec Poudovkine, Dovjenko, Eisenstein seront déterminants.

Dès lors, Ivens mettra sa caméra « au service des peuples en lutte contre la pauvreté l’injustice et la guerre » mais aussi au service de ceux qui rêvent de progrès social, de justice et de poésie.

De retour aux Pays-Bas, répondant à une commande de « film de prestige » des usines Philips, Joris Ivens réalise » Philips Radio-la Symphonie Industrielle « .
S’il montre dans son premier film sonore, avec précision et beauté les progrès de la technologie, Joris Ivens y dénonce également la monotonie du travail à la chaîne, ce qui entraîne la non-acceptation de 33 copies sur les 40 adressées aux filiales de Philips.

Après  » Créosote  » que lui commande l’Association internationale pour le traitement chimique du bois en vue de sa conservation par l’huile de créosote, Joris Ivens retourne en URSS pour y réaliser  » Komsomol  » ou le  » Chant des héros  » (1932). Dans ce film Joris, Ivens célèbre, soutenu par la magnifique musique tour à tour concrète et symphonique d’Hans Eisler, le travail difficile mais aussi l’enthousiasme des jeunes travailleurs communistes en train de construire des hauts-fourneaux à Magnitogorsk, au fin fond de l’Oural, à la limite de l’Europe et de l’Asie.

Revenu aux Pays-Bas, Joris Ivens co-réalise avec le documentariste belge Henri Storck  » Borinage « . Ce film, militant, montre, dénonce les conséquences de la grève perdue des mineurs du Borinage : le chômage pour des milliers de travailleurs qui se retrouvent dans la misère ; il y reconstitue notamment, grâce à la participation de ces mêmes mineurs, la marche des grévistes qu’ouvre le portrait de Karl Marx.

À Borinage succède  » Nouvelle Terre « , remontage de  » Zuidersee » pour y introduire une dimension sociale et politique correspondant à la montée de la crise économique mondiale des années 33-34.
Dans  » Nouvelle Terre  » Joris Ivens dénonce ouvertement la destruction organisée des denrées alimentaires pour maintenir les activités boursières alors que des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants meurent chaque jour de faim dans le monde. Ces deux films font du poète de  » la Pluie  » un « dangereux communiste » condamné par son père et son pays. Lors d’un séjour de quelques semaines passées à Paris, Joris reçoit une invitation de l’American Film Alliance de New York, pour y présenter ses films et faire une série de conférences.

Au mois de février 1936, Joris Ivens embarque pour l’Amérique avec sa compagne et collaboratrice Hélène Van Dongen. Joris Ivens vivra 9 ans aux Etats-Unis, où il se liera d’amitié avec Robert Flaherty, Ernest Hemingway, John Dos Pasos, Frederic March, Luise Reiner, Lilian Hellman. Des Etats-Unis Joris Ivens part, en 1937, tourner avec John Ferno, Terre d’Espagne, pour soutenir les défenseurs de la République espagnole contre la montée du fascisme que représente Franco. Le film dont le commentaire est écrit et dit par Ernest Hemingway, est projeté au Président Roosevelt et dans plusieurs villes des Etats-unis. Il est accueilli avec beaucoup de chaleur tandis que les recettes des projections permettent d’acheter des ambulances pour les républicains espagnols.

L’année suivante Joris Ivens est en Chine avec John Ferno et Robert Capa aux cotés des paysans et des deux armées qui luttent contre l’invasion japonaise : celle du nationaliste Chiang-Kai Shek, celle du communiste Mao-Tsé Toung. Joris Ivens y réalise  » 400 millions  » et offre, en repartant, sa caméra aux cinéastes chinois de l’armée de Mao-Tsé Toung.(photo coll. Filmmuseum)

Claude Brunel.