Joris Ivens - l'électrification de la terre

De retour aux Etats-unis, Ivens tourne, à la demande du Ministère de l’agriculture, « L’électrification de la terre  » (power and the land), film destiné à convaincre les fermiers américains que l’électrification leur apportera le bien-être.
Alors qu’il partage sa vie entre Hollywood et New York, entre l’enseignement à l’université de Los Angeles et la recherche de nouveaux projets Joris Ivens réalise  » Notre Front Russe « 1941, film destiné à persuader les Américains du bien fondé d’une alliance entre les USA et l’Union soviétique dans la lutte contre le fascisme et  » Alarme ou branle-bas de combat  » 1942, qui montre l’engagement de la marine canadienne dans la deuxième guerre mondiale. C’est alors que le vice-gouverneur des Indes néerlandaises propose à Joris Ivens, la charge de commissaire du cinéma du gouvernement des Indes néerlandaises et la mission de donner « le témoignage de la construction de la nouvelle Indonésie où Hollandais et Indonésiens pourront et devront collaborer sur la base d’une pleine égalité ». Ivens accepte la proposition du gouvernement néerlandais et part en Australie où, en attendant la fin de la guerre du Pacifique, il devra préparer une série de films éducatifs pour les Indonésiens.

Tandis qu’il se met au travail à Sydney, Ivens constate que le gouvernement néerlandais est loin de tenir ses promesses et prépare au contraire la guerre contre la toute jeune république Indonésienne.. Ivens décide alors et annonce à la presse internationale qu’il démissionne de sa charge et « ne fera jamais de film en contradiction avec ses principes et ses convictions ». Si cette déclaration lui attire l’admiration internationale, elle le fait accuser de traîtrise par la presse néerlandaise.
Au même moment les dockers du port de Sydney et les marins Indonésiens des bateaux hollandais transportant des armes destinées à la répression en Indonésie se mettent en.grève. Ivens, sa compagne et collaboratrice Marion Michelle tournent, avec beaucoup de difficultés, le film de cette grève : » Indonesia calling  » (1946). À la fin du montage, Joris Ivens tombe gravement malade.

Après un séjour à l’hôpital de Sydney et une convalescence dans les Blues mountains, Joris Ivens rentre en Europe, où, interdit de séjour dans son pays, convaincu que le socialisme est en train de se construire en Europe Centrale, Joris Ivens réalise, entre 1947 et 1956, plusieurs films dans les républiques de l’Est dont : » Les Premières années ( Tchécoslovaquie, Bulgarie, Pologne), La Paix vaincra ( Pologne), L’Amitié vaincra ( Berlin Est) et le Chant des fleuves « , grande fresque sur la condition ouvrière dans le monde réalisée avec la collaboration de 18 pays.

Après avoir supervisé plusieurs productions de films en RDA, avoir été le conseiller technique du film de Gérard Philippe : » Les Aventures de Till l’Espiègle « , Joris Ivens s’installe à Paris en 1957.
Tandis que se calme la guerre froide mais que s’affrontent toujours deux idéologies antinomiques, de nombreux intellectuels, écrivains et artistes européens dont Aragon, Picasso, Jacques Prévert et …Ivens continue à croire à la venue d’un monde meilleur, plus juste, et ce, malgré la réalité du Stalinisme.

Ivens réalise alors, sur une idée de Georges Sadoul, son premier film français : La Seine a rencontré Paris (1957). Ce magnifique et poétique documentaire sur Paris, son fleuve et les Parisiens remporte, en 1959, la Palme d’Or du meilleur documentaire au Festival de Cannes. De France, Joris Ivens continue son combat de cinéaste militant, d’artiste engagé, de pédagogue convaincu, bien qu’outré (comme il l’écrira plus tard) par le comportement de l’Union Soviétique vis-à-vis des « pays frères ». En 1958 Il retourne en Chine où il donne une série de cours aux élèves de l’Académie de la République populaire de Chine pour leur apprendre notamment à filmer en couleur.
Joris Ivens réalise alors  " Lettre de Chine " , « un poème visuel où chantent les couleurs ». En 1959 il tourne à la demande d’Enrico Mattei qui défend la production du pétrole italien contre le monopole américain  « L’Italie n’est pas un pays pauvre » .(photo coll. Filmmuseum)

Claude Brunel.