Jean-Paul Dupuis, cinéaste et compositeur, reconfigure, par des jeux infinis de surimpressions, et ré-enchante, par ses musiques, des fragments de films de Stéphane Marti, cinéaste et plasticien - une trentaine réalisés entre 1976 et 2012 auxquels s’ajoutent des photos prises sur le vif des tournages ou encore des fragments de ses oeuvres plastiques récentes.
Une expérience étonnante de co-création, entamée en 2023, pour ces deux figures de l’histoire et de l’aventure du Cinéma Expérimental français et qui ouvre une série intitulée Transfigurations.
Le passage d’un état à un autre, totalement inattendu, dans des films très courts, via des métissages entre l'argentique, plus précisément le super 8, format fétiche de Stéphane Marti, et le numérique, dans lequel excelle actuellement Jean-Paul Dupuis.
Une alchimie d'images et de sons où s'interpénètrent, en d'étranges hybridations, corps, visages, gestes, objets, matières et lumières pour offrir des moments de pure extase sensorielle.
Brassées d'offrandes visuelles et sonores qui tourbillonnent à foison et se fragmentent en images/sensations, souvent imperceptibles, raffinées, furieuses ou chaotiques évoquant les vertiges du désir et ouvrant les portes d’une autre perception.
De vrais trips psychédéliques, dans la lignée des grands ciné-visionnaires de la surrimpression tels Kenneth Anger (Inauguration of the pleasure dome, 1954), Stan Brakhage(Dog Star Man, 1961-1964) ou Pierre Clémenti (Visa de censure, 1967).
Une belle facon de puiser dans le matériau des images oubliées pour bâtir des formes nouvelles.
Et que chacun.e percevra en fonction de sa propre sensibilité.
En 2024, CORINE MILIAN , compositrice nous rejoint et signe la musique de Apertio et Les deux barons. https://www.corinemilian.org
"Marcel for ever"coul, son, 4’02, 2023 - Musique Jean-Paul Dupuis
Premier opus d’une série intitulée Transfigurations, où des fragments de films et de diapos (issues des tournages) de Stéphane Marti sont ré-agencés dans des jeux extra-ordinaires de surimpressions par Jean-Paul Dupuis qui se charge également de la conception musicale. Métissages ensorcelés entre l’argentique et le numérique qui puisent dans le matériau des images oubliées pour créer des formes et des sensations nouvelles.
Ici, une célébration tourbillonnante dédiée à Marcel Mazé, figure tutélaire et charismatique du cinéma expérimental français, fondateur du Collectif Jeune Cinéma, initiateur d’un nombre considérables d’évènements autour de cet art de l’impossible et ami proche des deux co-cinéastes.
"La dixième porte" coul, son, 3’12, 2023 - Musique Jean-Paul Dupuis
Stéphane Marti écrit: "il y a dans les films oubliés, comme dans les précieuses demeures, de sublimes fantômes à réveiller".
Marcel For Ever
La dixième Porte
"Eros 3" coul, son, 3’55, 2024 - Musique Jean-Paul Dupuis
Un souffle de Jean Genet, des vibrations d'Eros et de Thanatos, les deux pulsions premières qui font chavirer les espaces et les corps.
"Le djinn d'or" coul, son, 3’26, 2023 - Musique Jean-Paul Dupuis
Brassage des corps, des images et des sons qui plongent vers le « Chaos primordial », cette partie cachée de l’espace et de l'intime où circulent les mystérieuses énergies originelles.
Eros 3
Le djinn d'or
"Aloual, la perle noire" coul, son, 3’40, 2023 - Musique Jean-Paul Dupuis
Une résurrection de l'argentique par le numérique. Une fusion d'images et de sons qui célèbrent Aloual, l'actant fétiche, entouré de superbes créatures tels Gérard-Gérard ou Orlan Roy. Une réactivation de la mémoire et de l'émotion, qui, par des jeux subtils de surimpressions, conduisent à une sorte d'extase ou de vol magique.
"Les caresses de Vénus" coul, son, 4’57, 2023 - Musique Jean-Paul Dupuis
Entrelacement de volutes musicales et charnelles d'où émergent des yeux, des bouches, des visages et des gestes, ensorcelés par un rituel de parure.
Aloual, la perle noire
Les caresses de Vénus
"Le banquet de Fortunata" coul, son, 5'14 2024 - Musique Jean-Paul Dupuis
Pas facile de s'attaquer au Satyricon quand on n'a pas les moyens d'un Fellini mais la démesure n'est pas une affaire d'argent mais de point de vue, d'inventivité et d'incarnation bien sûr par des actants qui s'offrent à la caméra, magnifiquement.
Le banquet de Fortunata (l'épouse de Trimalchion, organisateur de festins orgiaques dans l'ouvrage attribué à Pétrone) est une célébration païenne réactivée à partir de fragments d'une fresque perdue d'où ressurgissent des morceaux incandescents. Une nouvelle configuration visuelle et sonore d'images super 8, précieux format source de Stéphane Marti, par la palette numérique luxuriante de Jean-Paul Dupuis. Exultation des couleurs, des matières et des sons dans cette expérience courte et ensorcelante qui fait vibrer, en grandes jubilations sensorielles, corps, gestes et objets vers d'autres entrailles de la perception.
"Tout cela assez splendidement transfiguré" comme l'écrivait déjà Dominique Noguez au sujet des films de l'Ecole du corps, bricolés avec trois fois rien.
"Les deux barons" coul, son, 5'21 2024 - Musique Corine Milian
Miroitements d'or et de pourpre, poses alanguies, caresse des ombres et désir fléché de toutes parts. Captivant vibrato visuel et sonore d' Eros dans cette célébration inspirée de l'Antique et dédiée à Wilhelm von Gloeden et à Marcel Mazé. Mais les photographes tirent aussi les flèches de Thanatos, ces fulgurants éclairs de la libido. Qui sera le vainqueur de ces joutes exquises, le Baron, déambulant dans les allées du Père Lachaise avec une poupée Vaudou ou le Charmeur de serpent et sa flute enchantée ?
Le banquet de Fortunata
Les deux barons
"Apertio" coul, son, 4'02 2024 - Musique Corine Milian
Encore une belle façon de replonger dans le répertoire des images déjà tournées pour en faire autre chose, autrement, les faire fusionner dans un autre espace/temps, une ouverture, une esquisse d'opéra, avec ses fantômes, ses divas, ses étreintes et ses drames. Des silhouettes célèbres (Callas, Nosferatu) et d'autres plus intimes, plus précieuses (Marcel Mazé, Aloual, Baptiste Lamy), dans ce foisonnement de vibrations visuelles et sonores où s'enfièvrent les regards et se superposent les mains en gestuelles superbes tandis que se conjuguent élan sacré et volupté profane.
"Lueur dans l'ombre" N/B et Coul, son, 5'12 2024 - Musique Jean-Paul Dupuis
Dessins, photos, peintures, volupté du noir et blanc parsemé de couleurs chatoyantes, fragmentation des plans, des lignes et des corps, envoûtantes nappes musicales, tout s'assemble pour célébrer une déambulation joyeuse dans les allées du Père Lachaise. Que cherche-t-on ? Des figures angéliques ? profanes ? ensorcelantes ? funèbres ? Sans doute un territoire entre rêve et désir tel que l'ébauche cet extrait d'un texte délicieux de Dominique Noguez : "ô jeune marcheur immobile, jeune homme presque nu qui tend les bras vers moi, j'approche mon visage de ta peau, de ton épaule douce et fraiche, j'approche mes lèvres, les pose longuement, doucement, sur toi, j'enfouis mon visage dans le creux que fait ton épaule avec ton cou, fort cou de jeune taureau doux, et j'avance encore et ... Disparu! Tu n'es qu'un souvenir."
Texte: Dominique Noguez dit par Corine Milian
Apertio
Lueur dans l'ombre
"Ecce Angelus" Coul, son, 6'44 2025 - Musique Jean-Paul Dupuis
De longs glissements d'images et de sons dévoilent les arcanes subtils d'un Eros oublié incarné par Aloual, l'actant fétiche. Une envoûtante cérémonie profane où s'interpénètrent, en d'étranges hybridations, dessins, photos, objets, assemblages, peintures et fragments de films. Glissements entre le numérique et l'argentique qui traversent aussi les territoires de Thanatos pour rejaillir dans l'énergie d'une danse sauvage et joyeuse.
Ecce Angelus