B – du cinéma différent au cinéma documentaire.

du COLLECTIF JEUNE CINÉMA à la FEMIS.

Au delà des ombres sélectionné par Marcel Mazé, responsable de la section Cinéma Différent  du Festival International du Jeune Cinéma de Toulon-Hyères nous permit de découvrir à la fois le cinéma  Différent appelé encore Indépendant ou Expérimental et le Collectif Jeune Cinéma.

Créé en 1971 par Marcel Mazé, le Collectif Jeune Cinéma était la première association française de type coopératif à assurer la diffusion, hors des circuits commerciaux, de films différents français et étrangers, films appelés alors par le C.N.C. (Centre National du Cinéma) sauvages.

Ces films tournés de façon artisanale, le plus souvent en 16 mm mais aussi en super 8, échappaient, de toutes les façons, au formatage du cinéma narratif imposé par la distribution commerciale – leurs auteurs se revendiquant de l’indépendance économique, d’une totale liberté d’expression et de construction. Libéré de l’histoire, le cinéma différent permettait d’aborder directement le cinéma en termes d’image, de cadrage, de lumière, de couleur, de son, de temps, de rythme, de montage. Il permettait d’établir un lien direct entre le regard du réalisateur et l’image obtenue à travers la caméra, mais aussi d’inventer, comme en peinture, de nouvelles images, et, comme en musique, de nouveaux sons.

Qu’ils soient Américains, Européens ou Japonais, les réalisateurs du Cinéma différent / indépendant / expérimental suivaient en cela les traces des artistes peintres, sculpteurs, photographes, cinéastes des années 20 et suivantes, tels Fernand Léger, Man Ray, Hans Richter, Picabia, Marcel Duchamp, Salvador Dali, Luis Bunuel, Jean Cocteau, Maya Deren, ou bien encore celles des créateurs du cinéma documentaire tels Tziga Vertov, Joris Ivens, Flaherty. Ils se sentaient proches d’un cinéma français dit d’auteur tel que le pratiquaient par exemple Marcel Hanoun, Jacques Rivette, Robert Bresson, Robert Lapoujade, Jean-Luc Godard ou Marguerite Duras.

Ils entretenaient aussi des relations amicales et houleuses avec le cinéma militant qui lui, dénonçant les recherches formelles du cinéma expérimental, entendait utiliser le médium audiovisuel pour : montrer la réalité sociale, les conditions de travail et exprimer les aspirations populaires sous toutes leurs formes (Guy Hennebelle, revue Cinéma différent n° 18-20, mai 1978). Les cinéastes et critiques du cinéma militant se réclamaient cependant tout comme ceux du cinéma différent, mais pour des raisons différentes, de leur filiation avec Tziga Vertov.

Tandis que se créaient d’autres coopératives de cinéma différent/expérimental/ indépendant en France, notamment la Paris Film Coop, autour de deux enseignants de l’université de Vincennes /Saint Denis : Guy Fihman et Claudine Eizykman, la Coopérative des Cinéastes, autour de Patrice Kirchoffer et de Gérard Courant, la section Cinéma Différent du festival du jeune cinéma d’Hyères attirait de plus en plus de cinéastes européens, américains et japonais et ceci jusqu’en 1984, année du dernier Festival.

Peu à peu, le C.N.C. (Centre National du Cinéma), notamment grâce à Jack Gajos, alors chef du service de l’Action Culturelle et de l’Information, reconnaissait l’existence d’une forme d’expression cinématographique existant hors des circuits de production et de diffusion du cinéma commercial. Le colloque d’Avignon de 1978, puis celui de Lyon, organisés avec l’aide du CNC, ne permirent pas que se crée une structure unique de cinéma indépendant telle que la souhaitait le CNC, tant étaient grandes les rivalités de personnes entre les cinéastes des coopératives. Chaque coopérative obtenait cependant quelques aides du CNC pour mener à bien des opérations précises puis des subventions de fonctionnement – Ceci jusqu’au jour où les DRAC (Directions Régionales d’Action Culturelle) devaient prendre le relais.

Alors qu’ avec Au Delà des Ombres – 70‘ (1973), Arlequin des rues - 80’(Hyères, Prix spécial du jury 1974), L’oiseau Cuvette – 70’ destiné au jeune public ( Hyères 1975, prix spécial du jury de la fédération Internationales des ciné-clubs), Lithophonie – 78’ (Hyères, Grand Prix du festival 1977), Jean Paul Dupuis affirmait sa démarche de réalisateur, opérateur, monteur et compositeur, nous nous engagions, aux côtés de Marcel Mazé, dans la diffusion du cinéma différent, et je m’investissais, jusqu’en 1984, dans l’organisation du festival international du jeune Cinéma de Hyères.

Nos actions de diffusion des films s’adressaient d’une part à un public d’adultes, dans le cadre de programmations cinéma différent de salles Art et Essai, de festivals français et étrangers, de ciné-club universitaires tant à Paris qu’en province, et d’autre part à un public d’enfants et d’adolescents dans le cadre de projections/discussions que nous organisions en collaboration avec les enseignants, dans des écoles maternelles ou primaires, des ciné-clubs de collèges et de lycées.

Face au développement de la télévision, à la banalisation et au pouvoirs des média audio-visuels notamment sur les enfants et les adolescents, de nombreux enseignants ressentaient la nécessité de développer au sein de l’Ecole, une véritable éducation à la lecture de l’Audio-visuel, une véritable découverte de l’art cinématographique aux cotés de ceux de l’Ecrit, de la Musique et des Arts Plastiques.

Mon investissement dans l’organisation et l’animation de la section Cinéma Différent du festival International de Hyères m’amena à programmer en 1982 une mini rétrospective Joris Ivens afin de démontrer à la fois aux expérimentaux et aux militants que la recherche formelle n’excluait pas la transmission des idées, qu’elles soient d’ordre esthétique ou politique et que l’un des deux grands documentariste du XXème siècle, Joris Ivens, venu du cinéma d’Avant-Garde des années 20, avait su utiliser son écriture cinématographique pour défendre les luttes sociales et politiques auxquelles il croyait, pour faire connaître, donner la parole, avec amour et talent, à travers tous les continents, aux plus humbles des hommes, mais aussi pour faire partager la beauté, la poésie, celle de la Seine à Paris (La Seine a rencontré Paris 1957, palme d’Or du Festival de Cannes du meilleur documentaire, 1959) ou de la Provence pour le Mistral, 1965).

Cette mini-rétrospective fut suivie d’une rétrospective complète Joris Ivens à la Cinémathèque Française, en collaboration avec le Filmuseum d’Amsterdam (1983) que dirigeaient Yan et Tineke de Vaal, rétrospective accompagnée de nombreuses animations en milieu scolaire et qui devait déboucher quelques années plus tard, sur la création de la Fondation Européenne Joris Ivens, fondation dont j’assure la Vice-présidence, aux côté de sa présidente, Marceline Loridan-Ivens.